Le syndrome d’épuisement professionnel, ou burn-out, a avant tout des conséquences dramatiques pour la personne qui en souffre : stress chronique, isolement social, troubles somatiques, etc. Il faut agir en priorité pour le bien-être des équipes vétérinaires.
Néanmoins, le mal-être vétérinaire et, en particulier, le burn-out, a des répercussions néfastes à l’échelle des organisations, souvent sous-estimées. Quelles sont ces conséquences ? Combien ça coûte à l’entreprise ?
Le coût financier
- des coûts directs qui se mesurent notamment par le coût lié à l'absence de l'employé et à son remplacement
- et des coûts indirects : répercussions sur le reste de l'équipe, la marque employeur, la qualité des soins, etc
En France, le mal-être mental représenterait un coût de plus de 200 000 € chaque année pour une clinique de 30 personnes.
Absentéisme
Les absences justifiées ou non, liées au mal-être au travail, sont en hausse. Par ailleurs, le travail du Pr. Truchot a mis en évidence une propension élevée au présentéisme chez les vétérinaires. Continuer de travailler alors que l’état de santé (physique ou mental) nécessiterait de s’arrêter favorise, à terme, l’épuisement du collaborateur.
Le burn-out est la première cause en France d’arrêts de longue durée, comptant pour près d’1 cas sur 4.
Au-delà du coût direct pour l’employeur (maintien de salaire, prise en charge du délai de carence, etc), l’absence du salarié entraîne également des coûts indirects (perte de productivité, couvertures sociales, etc). En France, l’absentéisme coûte à une entreprise environ 3 500 euros annuels par salarié. À cela s’ajoute la recherche d’un remplaçant, son intégration, etc.
Par ailleurs, un collaborateur ayant traversé une période de burn-out sévère peut prendre un an, voire plusieurs années, avant de retrouver son niveau de productivité.
Turn-over
La American Animal Hospital Association tire la sonnette d’alarme : 34% des vétérinaires américains considèrent quitter leur emploi dans l’année qui vient.
Le turn-over est un enjeu majeur de ces dernières années : il est souvent difficile de recruter des vétérinaires, alors remplacer un collaborateur devient un vrai challenge. Le coût de remplacement d’un employé est évalué en moyenne à 6 à 9 mois de salaire. Ce coût sera d’autant plus élevé que le collaborateur disposait d’une expérience avancée ou de compétences rares.
La perte d’un collaborateur, qui quitte son emploi, entraîne :
- des coûts de recrutement d'un nouveau collaborateur, y compris la publicité, le salaire des employés dédiés au recrutements, les entretiens, la sélection et l’embauche
- le coût de l’intégration d’une nouvelle recrue (matériel, formation, temps de gestion etc)
- une baisse de productivité : la nouvelle recrue peut avoir besoin de plusieurs mois avant d'atteindre la productivité du collaborateur parti
Sécurité-patient
Un collaborateur épuisé sera plus à risque de faire des erreurs médicales. Une méta-analyse anglaise a montré que les professionnels du secteur médical souffrant de burn-out rapportent deux fois plus d’évènements indésirables.
Malheureusement, la survenue d’évènements indésirables va tendre à dégrader encore un peu plus la santé mentale du professionnel (concept de la « seconde victime ») à l’origine d’un cercle vicieux favorisant le burn-out et l’insécurité des soins.
Ambiance de travail
Un collaborateur souffrant de burn-out peut décider de se retirer physiquement du contexte professionnel : réduction du temps de travail, absences justifiées ou non, démission, arrêt longue durée, etc. Dans ce cas, son absence peut avoir des conséquences sur le reste de l’équipe en particulier à cause du report de la charge de travail qui, si elle n’est pas prise en compte, peut favoriser le burn-out chez les collaborateurs « restants ».
Par ailleurs, il peut également rester en poste et aura alors tendance à se retirer « psychologiquement » : isolement social, changements d’humeurs, irritabilité, cynisme, désengagement, dégradation de la qualité du travail fourni. Les effets organisationnels sont alors multiples :
- sur le moral de l'équipe et la cohésion d'équipe, pouvant favoriser le développement d'un environnement de travail toxique
- baisse de productivité
- augmentation du taux d'évènements indésirables et perception d'une dégradation de la qualité des soins
- baisse de la satisfaction propriétaire
Il est à noter que le départ de collaborateurs pour motifs de santé mentale engendre des dommages collatéraux importants et fréquemment un effet domino avec des démissions en cascade. Au Québec, 64% des employés estiment que leur employeur ne prend aucune mesure particulière lorsque l’un des employés part à cause d’un burn-out. Cette inertie managériale aura tendance à aggraver l’impact psychologique sur les collègues immédiats de celui qui a dû partir.
Quels leviers d'action à l'échelle organisationnelle ?
Des mesures de prévention du burn-out et de promotion du bien-être mental sont en plein développement depuis plusieurs années. Nul doute que les initiatives visant les individus eux-mêmes (ex. : gestion du stress, développement de la résilience etc) ont un intérêt, mais il semble que les interventions à l’échelle de l’organisation sont les plus efficaces. En effet, bien que des facteurs individuels puissent « prédisposer » au burn-out, il est prouvé que ce sont des facteurs externes qui précipitent son développement : charge de travail, horaires à rallonge, etc. En France, la charge de travail, jugée trop importante, constitue le second facteur motivant une reconversion.
Il est donc possible, et plus que nécessaire, de jouer sur les facteurs organisationnels afin de favoriser le bien-être au travail. On pourra par exemple :
- réfléchir et éliminer, autant que faire se peut, les facteurs qui menacent le bien-être au travail : évaluer l'amplitude horaire, durée de consultations, durée pour chaque acte, etc
- favoriser le contrôle des collaborateurs sur leur charge de travail
- accorder une importance toute particulière à la culture d'entreprise
La prévention des risques psychosociaux, dont le burn-out, fait intervenir de multiples mesures : rendez-vous dans le prochain article qui s’y penchera plus en détails !
Sources :
⊕ Campbell, Megan, Briana N. M. Hagen, Basem Gohar, Jeffrey Wichtel, et Andria Jones-Bitton. « A Qualitative Study Exploring the Perceived Effects of Veterinarians’ Mental Health on Provision of Care ». Frontiers in Veterinary Science 10 (7 février 2023).
⊕ Hilton, K. R., K. J. Burke, et T. Signal. « Mental Health in the Veterinary Profession: An Individual or Organisational Focus? » Australian Veterinary Journal 101, no 1‑2 (janvier 2023): 41‑48.
⊕ Hodkinson, Alexander, Anli Zhou, Judith Johnson, Keith Geraghty, Ruth Riley, Andrew Zhou, Efharis Panagopoulou, et al. « Associations of Physician Burnout with Career Engagement and Quality of Patient Care: Systematic Review and Meta-Analysis ». BMJ 378 (14 septembre 2022): e070442.
⊕ Neill CL, Hansen CR, Salois M. The Economic Cost of Burnout in Veterinary Medicine. Front Vet Sci. 2022 Feb 25;9:814104.
⊕ Olson, Kristine D. « Physician Burnout—A Leading Indicator of Health System Performance? » Mayo Clinic Proceedings 92, no 11 (1 novembre 2017): 1608‑11.
⊕ Sinsky, Christine A., Lotte N. Dyrbye, Colin P. West, Daniel Satele, Michael Tutty, et Tait D. Shanafelt. « Professional Satisfaction and the Career Plans of US Physicians ». Mayo Clinic Proceedings 92, no 11 (1 novembre 2017): 1625‑35.
⊕ « Stay, Please – A Challenge to the veterinary profession to improve employee retention ».
⊕ Steffey, Michele A., Dominique J. Griffon, Marije Risselada, Valery F. Scharf, Nicole J. Buote, Helia Zamprogno, et Alexandra L. Winter. « Veterinarian Burnout Demographics and Organizational Impacts: A Narrative Review ». Frontiers in Veterinary Science 10 (2023).
⊕ Vétos-Entraide. « Enquête de Vétos-entraide sur la reconversion professionnelle vétérinaire en 2022 », 25 février 2023.