La demande en matière de services vétérinaires ne cesse de croître. Associée à la pénurie ressentie de personnel vétérinaire, de nombreuses cliniques ne parviennent pas à suivre le rythme. Ainsi, les difficultés d’accès aux soins pour les propriétaires peut se répercuter sur les services d’urgence. Aussi, la France a connu un boum d’adoptions depuis le COVID et le confinement. L’augmentation du nombre d’animaux combinée à leur médicalisation plus importante entraîne inexorablement un besoin plus important en matière de soins vétérinaires. Aux États-Unis, c’est une croissance de plus de 30% de l’activité en urgence qui a été observée ces 5 dernières années et les prévisions semblent confirmer cette tendance pour les années à venir.
Un enjeu majeur pour les structures réside d’une part dans le recrutement de collaborateurs et d’autre part dans leur rétention. Alors, quels sont les éléments susceptibles d’attirer des vétérinaires à pratiquer la médecine d’urgence ? Quels sont ceux qui les font rester ou, à l’inverse, les poussent vers la sortie ?
Les urgences, une discipline attractive ?
Lorsqu’on demande à des étudiants vétérinaires la raison pour laquelle ils se destinent à une pratique en urgence, tous répondent que c’est parce qu’ils apprécient ce type de médecine. Les urgences sont attractives ! Une majorité (80% des 183 étudiants sondés) considère que le salaire y est probablement plus élevé et qu’ils bénéficieront de plus d’avantages comparé aux autres domaines de la médecine vétérinaire.
Pour les étudiants qui ne se destinent pas à pratiquer en urgence, plus d’un sur deux explique ce choix à cause d’une appréhension du contexte stressant. Par ailleurs, ¾ pourraient reconsidérer ce choix si une forme de mentorat/supervision par des praticiens expérimentés leur était proposée.
Pratiquer en urgence, une vocation temporaire ?
Si l’on s’intéresse aux « anciens » vétérinaires urgentistes, la plupart ont changé de voie et quitté la pratique en urgence après moins de 5 ans dans ce domaine. Quarante pourcent passera moins de 2 ans à pratiquer en urgence.
Si l’on s’intéresse de plus près aux raisons qui ont poussé les urgentistes à quitter cette pratique, on trouve que :
- pour 30% d'entre eux le problème venait des modalités pratiques (horaires, planning)
- pour 20% la raison principale évoquée est le stress ressenti, et 15% ont quitté les urgences car ils se sentaient proches du burn-out
Pour les urgentistes toujours en poste mais qui pensent à quitter les urgences, le facteur stress chronique et burn-out est là-aussi prépondérant. En effet, pour la quasi-totalité des urgentistes sondés le stress important et le sentiment d’être en burn-out sont des facteurs participant à leur décision de quitter ce domaine médical (cf tableau ci-dessous : les deux colonnes de droite).
Concernant les urgentistes qui ne savent pas s’ils veulent continuer à pratiquer en urgence ou pas (n = 65), les éléments qui pourraient les faire rester sont les suivants :
- une équipe plus présente (soutien/accompagnement)
- un planning plus flexible
- un salaire plus élevé
Les éléments d'attractivité
Parmi les vétérinaires qui n’ont jamais travaillé en urgence nombreux sont ceux qui ne sont pas réfractaires à l’idée de travailler dans ce domaine. Quels éléments pourraient les attirer davantage et leur faire sauter le pas ? Là encore, on retrouve l’importance du mentorat/accompagnement, de la flexibilité du planning et l’importance accordée à la rémunération.
En process de recrutement de vétérinaires urgentistes, certains éléments peuvent faire pencher la balance pour une structure plutôt qu’une autre. D’après une étude de 2022 portant sur une population de 433 vétérinaires urgentistes (non diplômés ACVECC) actuellement en poste, les facteurs liés à la sélection du lieu de travail sont :
- le fait de travailler avec une équipe hautement qualifiée
- un environnement propice au développement professionnel et notamment : la collégialité entre collègues, la variété des cas rencontrés
- un certain équilibre vie professionnelle/vie personnelle avec la possibilité de faire moins de shifts mais de plus longue durée, d'avoir des blocs de temps off plus longs
- une rémunération attractive
Le seul facteur favorisant l’attractivité pour une structure (plus qu’une autre) et la rétention dans le domaine des urgences est le fait de recevoir un mentorat de cliniciens plus expérimentés.
Les éléments de rétention
Recruter c’est une chose. Retenir ses collaborateurs en est une autre !
L’accent semble souvent mis sur la capacité de recrutement et l’attractivité des structures. Pourtant, perdre un collaborateur de qualité, formé et qui connaît l’organisation et les rouages de l’entreprise est bien plus douloureux.
Si certains paramètres ne dépendent pas de l’entreprise (par exemple, un déménagement), d’autres peuvent être jugulés afin d’obtenir un meilleur engagement de ses collaborateurs, une plus grande rétention et un moindre turn-over.
D’après l’étude précédemment citée portant sur 433 vétérinaires urgentistes non spécialistes, les éléments cités comme les plus importants pour favoriser leur loyauté à une structure sont les suivants :
- la reconnaissance par ses supérieurs hiérarchiques de la valeur apportée à la structure
- l'équilibre vie pro/vie perso avec du temps off en quantité suffisante
- le soutien avec la possibilité de recevoir une assistance ou de l'aide en cas de besoin
- l'accent mis sur un environnement de travail positif
Une étude a récemment montré que le manque de reconnaissance de la part de sa hiérarchie constitue l’un des éléments favorisant le burn-out chez les vétérinaires urgentistes.
Comment construire un environnement favorisant l’engagement au long terme ?
Quelles pistes sont à explorer pour favoriser un engagement à long terme de ses urgentistes et optimiser la rétention ?
Le leadership/management revient régulièrement dans les études récentes. En particulier, si les collaborateurs ne choisissent pas forcément une structure en se basant sur ce critère, ils la quittent souvent pour cette raison. Un management inadéquat est significativement lié aux taux de burn-out ainsi qu’au turn-over et à la volonté individuelle de changer de poste (voire de quitter la pratique vétérinaire).
Le planning, sa flexibilité et la possibilité de l’adapter aux préférences individuelles est un facteur important, en particulier pour les personnes souhaitant avoir des enfants dans les prochains 3 à 5 ans.
Offrir un soutien médical sous la forme d’un mentorat ou d’une supervision directe par un clinicien expérimenté en urgence constitue un élément fondamental, en particulier pour les jeunes praticiens (< 2 ans de pratique). La possibilité d’évolution professionnelle par le biais de formations, certifications, etc constitue également un point important en particulier pour les vétérinaires qui ont moins de 5 ans d’expérience.
Enfin, une attention toute particulière est donnée à l’environnement professionnel et à l’ambiance de travail. Ce point est par ailleurs très souvent étroitement lié au style de leadership mis en place dans la structure.
Alors, comment mieux recruter et retenir les urgentistes ?
Pour résumer, quels éléments semblent les plus importants pour recruter et retenir les collaborateurs à pratiquer en urgence ?
Le leadership et l'ambiance de travail
Valoriser et développer le leadership des personnes (vétérinaires ou non) ayant un rôle de managers/responsables dans le but de favoriser un environnement professionnel agréable, que les vétérinaires urgentistes se sentent reconnus, entendus et valorisés.
Créer, faire grandir et entretenir un environnement de travail agréable inclue des éléments comme l’apport d’un soutien émotionnel au besoin par les leaders/collègues, des feedbacks constructifs réguliers, un environnement où les attitudes positives sont valorisées et priorisées et l’existence de rondes cliniques. A l’inverse, un environnement compétitif, réducteur, culpabilisant ou dépréciatif des individus est peu attractif et ne favorise pas, évidemment, l’épanouissement individuel.
Accompagnement et supervision
Offrir un soutien médical et un accompagnement/une supervision par des cliniciens expérimentés constitue l’un des éléments fondamentaux de recrutement et rétention des vétérinaires urgentistes en début de carrière. Ce soutien consiste en la possibilité de demander et d’obtenir de l’aide et une supervision directe en cas de besoin émis par le jeune urgentiste.
Un planning flexible
Individualiser les aménagements en fonction de chacun en acceptant les demandes raisonnables de temps off, offrir la possibilité d’échanger ses shifts facilement, offrir la possibilité de travail à temps partiel sans être pénalisé.
Un salaire adapté
Le salaire constitue un levier d’attractivité pour les structures d’urgence. Valoriser des postes aux contraintes importantes (travail de nuit, longs shifts, jours fériés et dimanches, médecine exigeante physiquement) est fondamental pour éviter le développement d’un sentiment d’inégalité et de sacrifice sans reconnaissance suffisante.
Des mesures de prévention des risques psycho-sociaux
Stress et burn-out conduisent beaucoup d’urgentistes à quitter cette discipline. Les risques psycho-sociaux méritent à eux seuls au moins un article, alors.. Rendez-vous à l’article suivant !
Sources :
⊕ Factors that impact recruitment and retention of veterinarians in emergency practice, Kogan et al., 2022
⊕ The shortage of veterinarians in emergency practice: A survey and analysis, Booth et al., 2021
⊕ Burnout symptoms and workplace satisfaction among veterinary emergency care provider, Holowaychuk et al., 2023
⊕ Investigation of burnout syndrome and job-related risk factors in veterinary technicians in spe- cialty teaching hospitals: a multicenter cross-sectional study, Hayes et al., 2020