La sécurité psychologique

La notion de sécurité psychologique : facteur clé de bien-être et de performance

La notion de sécurité psychologique est devenue un sujet de plus en plus discuté dans le milieu vétérinaire. Ce concept, introduit par Amy Edmondson, se réfère à un environnement de travail où les individus se sentent en confiance pour prendre des risques interpersonnels sans crainte de répercussions négatives. Dans le contexte vétérinaire, cette sécurité est cruciale pour favoriser un environnement de travail collaboratif et sain, essentiel non seulement pour le bien-être des professionnels, mais aussi pour la qualité des soins prodigués aux animaux.
Dans cet article, nous explorerons les multiples facettes de la sécurité psychologique dans le secteur de la santé. Nous examinerons son importance, les obstacles à sa mise en place, ainsi que les stratégies concrètes pour créer et maintenir un environnement de travail psychologiquement sûr, en particulier dans le milieu vétérinaire.

Qu'est-ce-que la sécurité psychologique ?

La sécurité psychologique correspond à un sentiment partagé au sein de l’équipe qu’il est tout à fait acceptable et accepté de prendre des « risques », d’exprimer ses idées et ses peurs, de poser des questions et de reconnaître des erreurs. Le tout, sans craindre des conséquences négatives.

Amy Edmondson est la première à avoir introduit ce concept alors qu’elle étudiait le lien entre l’efficacité des équipes hospitalières et le taux d’erreurs. De manière surprenante, elle a trouvé que les équipes qui font état d’une meilleure ambiance au travail et d’un travail d’équipe efficace et sain semblaient expérimenter davantage d’erreurs. En creusant un peu, elle a alors suspecté que ces équipes ne faisaient pas davantage d’erreurs en nombre absolu, mais les rapportaient davantage : les personnes composant cette équipe se sentaient suffisamment en sécurité pour admettre leurs erreurs.

Quand la sécurité psychologique fait défaut

Les environnements de travail dépourvus de sécurité psychologique sont fréquents. Souvent, ce climat ne résulte pas d’une décision consciente mais s’installe progressivement et de manière insidieuse. Des exemples incluent les contextes où l’échec n’est pas toléré, où les employés craignent de rapporter des mauvaises nouvelles à leurs supérieurs, ou encore où les objectifs sont irréalistes par rapport aux ressources disponibles. L’absence de sécurité psychologique peut donner une fausse impression de réussite : les employés, réticents à partager leurs difficultés, cherchent des solutions détournées pour atteindre les objectifs. Cependant, les effets à long terme de cette dynamique sont souvent extrêmement néfastes.

Pourquoi est-on réticent à s'exprimer en entreprise ?

Les études réalisées sur le sujet montrent que bien souvent les employés qui retiennent des informations le font par crainte du coût direct (peur de paraître stupide, de perdre en crédibilité, d’énerver leur supérieur, de dégrader une relation). Ce coût direct, lorsqu’il est évalué (inconsciemment) dans ces moments, semble largement outrepassé les bénéfices indirects (en fonction des cas : éviter une erreur médicale potentiellement délétère/fatale pour le patient, la production d’un élément incorrect, etc). Dans son livre « The Fearless Organization », Amy C. Edmondson identifie plusieurs raisons pour lesquelles les employés sont réticents à s’exprimer en entreprise :

Importance de la sécurité psychologique

La sécurité psychologique dans le milieu vétérinaire permet aux professionnels de s’exprimer librement, de poser des questions et de proposer des idées sans craindre d’être jugés ou ridiculisés. Cela est particulièrement important dans un domaine où les décisions rapides et souvent critiques sont la norme. Une étude menée par Edmondson a montré que les équipes ayant une haute sécurité psychologique sont plus innovantes et performantes, car les membres se sentent libres de partager leurs idées et leurs préoccupations. Selon Edmondson, créer une culture de sécurité psychologique, où les employés se sentent en sécurité pour s’exprimer sans crainte de conséquences négatives, est essentiel pour favoriser l’innovation, l’apprentissage et la performance organisationnelle.

Les défis du milieu vétérinaire

Les vétérinaires et les ASV font face à des défis uniques, tels que le stress lié aux situations d’urgence, les interactions émotionnelles avec les propriétaires d’animaux et la charge de travail souvent lourde. Ces facteurs peuvent contribuer à un environnement de travail stressant où la sécurité psychologique est compromise. Une étude de la British Veterinary Association a révélé que 92 % des vétérinaires considèrent leur travail comme stressant, et 57 % estiment que leur stress est « considérablement élevé ».

Stratégies pour promouvoir la sécurité psychologique

Encourager l'expression ouverte

Les leaders doivent activement inviter les employés à partager leurs idées, leurs préoccupations et leurs questions. Cela peut être fait en posant des questions ouvertes et en montrant de l’intérêt pour les opinions des autres.

Réagir de manière constructive

Lorsqu’un collaborateur s’exprime, il est crucial de réagir avec respect et considération. Les leaders doivent éviter de critiquer ou de punir les collaborateurs pour avoir pris la parole, et plutôt les remercier pour leur contribution.

Modéliser la vulnérabilité et l'apprentissage

Les leaders doivent montrer l’exemple en reconnaissant leurs propres erreurs et en partageant leurs propres expériences d’apprentissage. Cela encourage les employés à faire de même et montre que l’erreur est une opportunité de croissance.

Créer un cadre de sécurité

Les leaders doivent clarifier que l’expression des idées, des préoccupations et des questions est attendue et valorisée. Ils doivent établir des normes qui favorisent la coopération et l’apprentissage collectif.

Fournir des ressources et du soutien

Les organisations doivent mettre en place des structures de soutien, comme des programmes de mentorat ou des formations, pour aider les employés à développer leurs compétences et leur confiance en eux.

Reconnaître et récompenser l'initiative

Les leaders doivent reconnaître et récompenser les employés qui prennent des initiatives et contribuent activement au dialogue ouvert et à l’amélioration continue.

Créer des opportunités de collaboration

Favoriser le travail en équipe et les projets collaboratifs peut aider à créer une culture où les échanges d’idées et le soutien mutuel sont la norme.

Établir des processus clairs pour le feedback

Mettre en place des mécanismes de feedback réguliers et transparents permet aux employés de s’exprimer en toute sécurité et de savoir que leurs préoccupations sont prises en compte.

Former les leaders et les équipes

Les organisations doivent investir dans la formation des leaders et des équipes pour qu’ils comprennent l’importance de la sécurité psychologique et sachent comment la promouvoir.

Conclusion

La sécurité psychologique est un élément indispensable pour créer un environnement de travail sain et productif dans le milieu vétérinaire. En investissant dans des stratégies pour promouvoir cette sécurité, les cliniques et hôpitaux vétérinaires peuvent non seulement améliorer le bien-être de leurs employés, mais aussi augmenter la qualité des soins prodigués aux animaux. Une équipe de vétérinaires qui se sent en sécurité psychologiquement est mieux équipée pour collaborer efficacement, innover et fournir des soins de qualité.

Sources :
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Elodie Vinet
Elodie Vinet
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