Le droit à la déconnexion correspond au droit pour les salariés de ne pas répondre aux sollicitations (mails, appels, messages, etc) en dehors de leurs heures de travail. Pourquoi, en dehors du caractère d’obligation pour l’employeur, est-il important d’y prêter attention ? Quelles conséquences de cette « connexion permanente » à son lieu de travail ? Explorons un peu plus ce sujet d’actualité !
Le droit à la déconnexion : qu'est-ce-que c'est ?
Le droit à la déconnexion a fait son entrée dans le code du travail en 2016 à la suite d’un rapport sur l’impact du numérique sur le travail. En effet, 62% des actifs demandaient une régulation des outils numériques professionnels. La législation reste assez vague sur les modalités de mise en place de ce droit à la déconnexion. Elle indique simplement qu’il est du devoir de l’employeur de mettre en place des instruments de régulation de l’outil numérique dans le but d’assurer le respect des temps de repos et de congés ainsi que l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale du salarié.
Si l’entreprise compte plus de 50 salariés, l’employeur doit négocier un accord collectif sur le droit à la déconnexion ou, à défaut, mettre en place une charte (avec consultation préalable du CSE).
Le devoir d’accord/charte ne concerne que les entreprise de plus de 50 salariés, mais le droit à la déconnexion concerne tous les salariés. La responsabilité repose sur l’employeur au titre de son obligation de sécurité. Les salariés, et notamment les managers, doivent également respecter les mesures prévues afin de garantir le droit à la déconnexion. Ainsi, on pourrait également parler d’un devoir à la déconnexion pour les salariés !
Selon une étude menée par le cabinet de conseil Eléas en septembre 2016, plus d’un actif sur trois utilise les outils numériques professionnels hors temps de travail.
Quel intérêt du droit à la déconnexion ?
Le droit à la déconnexion a été intégré au code du travail dans le but d’assurer le respect des temps de repos et de congés du salarié ainsi que l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale.
Le droit à la déconnexion, en dehors d’un devoir pour l’employeur, nous interpelle sur différents points. L’omniprésence des moyens de communication dans notre vie courante rend les frontières entre vie professionnelle et vie privée bien floue.
Il n’y a pas d’étude, à l’heure actuelle, s’intéressant spécifiquement au lien entre droit à la déconnexion et bien-être mental chez les vétérinaires.
Néanmoins, de très nombreuses études ont montré que le déséquilibre entre vie professionnelle et vie privée constituait l’un des principaux stresseurs dans la profession. L’étude de Truchot (2022) a montré que la charge de travail et le conflit entre la vie professionnelle et la vie privée correspondait à la catégorie de stresseurs la plus fortement associée à l’épuisement émotionnel ainsi qu’aux troubles du sommeil. Par ailleurs, une frontière floue ou inexistante entre vie professionnelle et vie privée (encouragée par une disponibilité fréquente en dehors de ses heures de travail) va également favoriser le développement de profils workaholiques. Le workaholisme, rapport pathologique au travail, est souvent glorifié voir même encouragé au travers des étapes de la vie d’un vétérinaire. Pourtant, il fait le lit de nombreux troubles : souffrance physique, mentale (en particulier burn-out), mais aussi baisse de performance du travailleur et de l’entreprise (turn-over, arrêts maladie, etc).
D’après un rapport de l’AVMA (American Veterinary Medical Association) sorti en 2020, le désequilibre entre vie privée et professionnelle constitue la première cause de reconversion. L’enquête par Vétos-Entraides menée en 2022 sur les raisons conduisant les vétérinaires à ne pas/plus exercer en clientèle dresse le même constat.
Quels enjeux de la mise en œuvre du droit à la déconnexion ?
Le droit à la déconnexion vise à :
- faire respecter les durées maximales de travail
- garantir le temps de repos
- réguler la charge de travail
- respecter la vie privée du salarié
- veiller à l'obligation en matière de santé et de sécurité au travail de l'employeur (éviter le risque d’épuisement professionnel notamment)
En pratique, comment faire ?
Le texte de loi ne précise pas de modalités pratiques à la mise en place du droit à la déconnexion. En pratique, il est généralement admis qu’une association de plusieurs approches sera la plus efficace.
Sensibilisation
La sensibilisation passe essentiellement par des temps d’échange et de formation entre les différents intervenants (employeur, salariés, collaborateurs, managers). Le but de la sensibilisation sera de :
- réfléchir à des bonnes pratiques en matière d'utilisation des outils informatiques : par quels moyens (mails, Whatsapp', appels, etc) ? pour quels motifs ? dans quelle mesure ?
- sensibiliser aux conséquences de l'absence de déconnexion et former à la détection des risques liés à l’usage des outils numériques
Incitation
Certaines mesures pourront inciter quotidiennement le collaborateur à déconnecter. On pensera notamment à :
- mentionner dans le mail ou le message le caractère non urgent de la demande ou la dispense de réponse attendue en dehors des heures de travail
- la définition des circonstances exceptionnelles dans lesquelles l’utilisation des outils peut intervenir en dehors des plages habituelles
- inciter à utiliser les fonctionnalités de certaines messageries électroniques permettant de planifier ou de différer les envois
- recommander aux salariés de ne pas contacter les autres salariés, par téléphone ou mail, en dehors des horaires habituels de travail, pendant les week-ends, jours fériés et congés payés, ou pendant les périodes de suspension du contrat de travail
- faire un suivi régulier des mesures mises en place et de l'impact sur les équipes
En pratique, il peut sembler difficile de respecter ce droit à la déconnexion dans nos cliniques vétérinaires. Pourtant, une bonne préparation en amont peut permettre de limiter en très grande partie les sollicitations inopinées. Cela peut passer par le fait des déléguer sa PCS, mettre en place des modalités de transmission de cas claires et comprises par tous (tenue des compte-rendus en temps et en heure, discours propriétaire, etc), favoriser un partage complet des informations par un moyen dématérialisé propre au milieu professionnel, montrer l’exemple en tant qu’employeur/manager, faire appel à un service externe pour répondre aux questions techniques lorsque l’on emploie des vétérinaires juniors (c’est ce que la télé-expertise Help4VET propose), et bien d’autres !
Régulation
Les mesures de régulation sont plus fermes et empêchent totalement le contact avec le collaborateur. Il s’agira par exemple de bloquer le serveur de messagerie interne à certaines heures, bloquer l’accès au logiciel en dehors de la clinique, etc.
Sources :
⊕ Hagen, Jennifer R., Renate Weller, Timothy Stephen Mair, et Tierney Kinnison. « Investigation of Factors Affecting Recruitment and Retention in the UK Veterinary Profession ». The Veterinary Record 187, no 9 (31 octobre 2020): 354.
⊕ Mastenbroek, N. J. J. M., A. D. C. Jaarsma, E. Demerouti, A. M. M. Muijtjens, A. J. J. A. Scherpbier, et P. van Beukelen. « Burnout and Engagement, and Its Predictors in Young Veterinary Professionals: The Influence of Gender ». The Veterinary Record 174, no 6 (8 février 2014): 144
⊕ Platt, Belinda, Keith Hawton, Sue Simkin, et Richard J. Mellanby. « Suicidal Behaviour and Psychosocial Problems in Veterinary Surgeons: A Systematic Review ». Social Psychiatry and Psychiatric Epidemiology 47, no 2 (février 2012): 223‑40
⊕ Vétos-Entraide. « Enquête de Vétos-entraide sur la reconversion professionnelle vétérinaire en 2022 », 25 février 2023.